L'écho des ruines - Astrid Staes Dieter Appelt

26 janvier - 24 février 2024

La prochaine exposition de la Galerie des Minimes propose une mise en résonance de deux artistes, dont les thèmes et le questionnement se croisent, à travers un travail exigeant de photographie argentique.

D’un côté Astrid Staes, jeune photographe française, dont le regard aigu et fin se porte sur des lieux délaissés, porteurs d’un passé qui, dans une errance salvatrice « nous parle, si nous savons entendre ». C’est lors d’une longue période d’errance médicale qu’Astrid a cherché un écho à son questionnement dans le silence et l’espace oublié des ruines.

« C’est dans les ruines que la voix qui questionne peut obtenir son écho. »

La ruine, comme un corps malade, sur-vit face à la chute, se régénère, s’enrichit. Elle est la fin de tout, et le début de tout. Le temps s’y fait élastique, relatif.
L’artiste cisèle ses photos de paysages ou de natures mortes, aux contours sculptés par la lumière. L’oeuvre aboutit ainsi à un meilleur inespéré, à travers un chemin qui passe toujours par une forme de destruction. La ruine se trouve finalement plus complète que l’édifice intègre qui la précède.

En parallèle, la galerie présente avec la Galerie Françoise Paviot, des oeuvres de Dieter Appelt, artiste allemand immense et puissant né en 1935. Athlète poète, esthète cérébral, sa pratique de l’art, expérimentale et variée, met souvent en scène son corps dans des performances qu’il filme ou photographie dans des situations extrêmes. Nu allongé dans un champ de neige, visage couvert de terre, corps momifié enrobé de bandelettes, ses constructions mentales interrogent la vie à travers des stratifications visuelles d’ordre minéral.

À l’instar d’Astrid Staes, son travail intense explore le temps, le corps, sa résilience possible, l’absence narrative, le passé présent. Son inspiration, riche, se nourrit d’art et de poésie. Beuys, le cinéma de Buñuel ou de Tarkovski, la poésie de T.S. Eliot ou d’Ezra Pound, entre autres, sont toujours présents en filigrane dans son œuvre. Comme Anselm Kiefer, il se sait l’héritier d’un passé infâme, une forme de maladie que l’on doit évacuer, ou dépasser, et qu’il n’hésite pas à évoquer dans des photographies de lieux vides, fantômes, qu’un passé ressuscité remplit à nouveau.

Un beau dialogue donc, entre deux poètes en images, évoquant, chacun à sa manière, le rapport de la mort à la vie, à travers un désert sans bruit, illuminé d’ombres. La désolation apparente est porteuse d’espoir. Le corps caché ou représenté dans l’œuvre se tient cependant présent toujours, même dans l’absence et le silence. Alchimistes contemporains, ils transforment en visible l’invisible, en plein le vide, en vie la mort, et en préhensile l’incompréhensible.